SLOWTECH ? non LOWTECH !

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Notes de lecture d’un article et d’une conférence de Philippe Bihouix.

Philippe Bihouix est ingénieur de formation. Il œuvre actuellement au sein de l’Institut Momentum : « Fondé en mars 2011, l’Institut Momentum est un laboratoire d’idées sur les issues de la société industrielle et les transitions nécessaires pour amortir le choc social de la fin du pétrole. ».
Il a étudié en profondeur la gestion des minerais et des métaux dans le cadre des industries de production. À l’issue de ses nombreux travaux, études et autres publications, Philippe Bihouix revisite la notion de progrès et d’innovation technologique. Il évoque pour ce faire le modèle des « low tech ».
Voici un court résumé de sa démarche et de ses propositions.

D’après Philippe Bihouix, le monde moderne tel que nous le connaissons actuellement s’engouffre dans une impasse.
Cette impasse reposerait sur une combinaison de plusieurs éléments qui, mélangés à bonne proportion , créent ce sombre cocktail évoqué par l’Institut :
→ Une dose de ressources épuisées (énergies fossiles, minerais non renouvelables comme les métaux etc.),
→ un zeste de pollution,
→ une pincée de réduction des espaces, que nous saturons de bitume et de béton …
Face à ces tragédies quotidiennes que nous constatons toujours au plus près de nous, la réponse récurrente et régulière nous est souvent formulée ainsi : « nous allons trouver une solution technologique pour résoudre ces problèmes ».

Mais, toujours d’après Philippe Bihouix, ces « solutions » technologiques génèrent bien souvent de nouveaux problèmes peut être encore plus complexes que les précédents (nanotechnologies, biotechnologies « jaunes » , charbon propre etc. ).
De plus, cette course effrénée vers toujours plus de high tech nécessite de produire ces innovations, une production qui exige … des minerais et de l’énergie !
Mais, si vous avez suivi, vous vous dites : «le monsieur nous dit qu’on manque de ressources minérales et énergétiques »
La boucle est bouclée …

D’après les études scientifiques menées par Bihouix, les minerais sont encore présents en quantité non négligeable à la surface du globe, mais le hiatus, c’est qu’ils sont de moins en moins concentrés. Il faut donc de plus en plus d’énergie pour les extraire, aller les chercher et les transporter. Et, vous l’avez deviné car vous aussi vous écoutez les grands médias, les « nouvelles » sources d’énergie tel que le gaz de schiste ne semble pas disposer d’un EROI∗ (ou TRE) très intéressant. C’est à dire qu’il faut beaucoup d’énergie dépensée pour extraire peu d’énergie exploitable. En somme, ce n’est pas un business sur lequel parier, ou alors dans le très court terme.
En comparaison, nous avons un rapport de 1 baril utilisé pour 50 baril extraits pour du pétrole dans les pays arabes, et 1 baril utilisé pour 3 barils extraits pour les sables bitumeux …

Par ailleurs, vous me direz, que tout ça n’est pas bien grave car il y a le recyclage et donc l’économie circulaire qui vont permettre de réutiliser tous les minerais que l’on a dans son téléphone, dans son téléviseur, dans sa voiture etc.
La encore le cocktail se corse. D’après les recherches sus-citées, la majorité des ressources utilisées dans nos objets modernes ne sont pas recyclables et ce pour plusieurs raisons : alliages de métaux impossibles à re-dissocier, matériaux altérés, coût des traitements trop importants etc.
Pour exemple, la plupart des voitures usagées sont finalement broyées et réutilisées sous la forme de fer à béton en ce qui concerne leurs parties ferreuses. Pour le reste, zobi.
Avec tout ça, on est bien.

Alors, Philippe Bihouix nous propose, face à cette avalanche de mauvaises augures, la solution des « low tech ».
Les « low techs », c’est une façon de privilégier des technologies qui produisent des objets :
→ économes en ressources,
→ peu polluants,
→ durables,
→ robustes,
→ réparables localement.

Évidemment, on comprend tout de suite que rentrent dans cette catégorie les objets utilisant des technologies plutôt simple, à dominante mécanique voir électrique ou électronique, dans la mesure où les éléments constituant l’objet ne sont pas trop miniaturisés. Donc exit smartphone et autres objets connectés, ce qui, à coup sûr, nécessite une sérieuse révision pour beaucoup de la notion de « progrès ».
Les « low techs » doivent être conçues dans un soucis de recherche d’équilibre optimal entre performance et convivialité, entre effets d’échelle et proximité de production et/ou de réparation.

En guise de conclusion, Philippe Bihouix affirme qu’il ne s’agit pas de refaire son pain soi même mais bien plutôt de maintenir un bon réseau de boulangeries dans ses environs. Travailler plus sur la demande et moins sur l’offre. Mais, bien entendu, le cocktail précédemment évoqué nous laissera une sacrée gueule de bois et il est fort à parier que nombre de renoncements à venir seront douloureux. Il s’agit donc de se prémunir d’une rupture trop franche dans nos conforts modernes en ré-adoptant progressivement des technologies appropriables plus simplement comme pouvait l’évoquer, il y a 40 ans, Ivan Illich lorsqu’il annonçait qu’  « une société conviviale est une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil. »

Pour plus de détails, je vous invite à lire les deux ouvrages de Philippe Bihouix :
→ Quel futur pour les métaux ?: Raréfaction des métaux : un défi pour la société – EDP Sciences
→ L’âge des low tech : vers une civilisation techniquement soutenable.

 

∗ EROI : Taux de retour énergétique en Français, est le ratio d’énergie utilisable acquise à partir d’une source d’énergie rapportée à la quantité dépensée pour obtenir cette énergie.

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