Visualiser l’open data pour une open city

PiNG, en partenariat avec l’association Champ des possibles, poursuit ses expérimentations en matière de data visualisation. Après plusieurs projets dont celui des constellations bibliographiques de Laurent Malys, décliné par la suite avec le projet LibViz, c’est au Medialab Prado de Madrid que nous avons continué à nos réflexions sur la dataviz, l’open data et l’impact des fablabs.
Retour d’expérience par Julien Paris, développeur et adhérent de PiNG, envoyé spécial de l’association pour l’occasion.
 
« VISUALIZAR 2016, OPEN CITIES » : LES DONNÉES, UN PROJET URBAIN, GRAPHIQUE ET POLITIQUE
Plus que l’aspect purement graphique de la visualisation de données, ce sont les dimensions politiques et sociales des données ouvertes qui étaient à l’honneur cette année durant l’atelier « Visualizar 2016, open cities  » du Medialab Prado de Madrid : le data-journalisme et l’obligation de transparence des données publiques sont parmi les thèmes qui ont d’ailleurs le plus inspiré les participants.
Durant une dizaine de jours huit équipes composées de porteurs de projets et de collaborateurs bénévoles, tous de formations et de nationalités différentes, ont ainsi pu développer des prototypes d’applications de visualisations de données ouvertes (open data). Les prototypes ont ensuité présentés en ouverture de l’Open Cities Summit, qui se déroulait lui aussi à Madrid dans la foulée.
En tant qu’adhérent de PiNG, j’ai participé aux dix journées de workshop pour représenter à la fois l’association et Makery, et se joindre au projet « Fabcity dashboard ». Ce projet, initié par le Fablab Barcelona et Fabcity, se donnait pour but d’entamer une réflexion sur le rôle des « labs »(fablabs, hackerspaces, biolabs, livinglabs, etc…) dans le développement futur des villes (envisagées comme des « fabcities ») à l’échelle mondiale. Ce projet expérimental avait aussi pour objectif final de proposer un premier outil de visualisation – entre autres cartographique – où l’on pourrait croiser et analyser les données ouvertes existantes sur les ‘labs’ et les indicateurs de développement mondiaux, nationaux ou urbains.
DIX JOURS « A FULL » : HUIT PROJETS À DÉVELOPPER, UNE QUARANTAINE DE COLLABORATEURS, UNE DIZAINE DE CONFÉRENCES…

Une cinquantaine de participants « a full », soit « à fond ». Après quelques conférences magistrales sur l’histoire et les principes graphiques de la data visualisation, la première journée a essentiellement consisté en la présentation des projets et à la formation des équipes. Les porteurs de projets ont succinctement expliqué quelles étaient les problématiques de leurs projets respectifs, les autres participants (les collaborateurs) se sont ensuite présentés à leur tour puis portés volontaires pour rejoindre le projet de leur choix, les organisateurs tentant de faire en sorte que tous les groupes aient un nombre à peu près égal de personnes par groupe.

1visulizarVue de la salle de coworking et de la liste des projets développés. Photo : Julien Paris

Les projets développés à « Visualizar 2016 », détaillés ici (en espagnol), étaient les suivants :

  • Stadatus : audit des politiques de transparence de la mairie d’Alicante

  • Liquen : une application de crowdsourcing visant à signaler les problèmes et conflits urbains

  • FabCity Dashboard : mesurer l’impact des fablabs sur la résilience urbaine

  • Social Salud / Abierto directorio de recursos : un inventaire des ressources publiques sur le territoire de Madrid

  • Apps4citizens : aider les utilisateurs à trouver des apps ‘citoyennes’

  • Mi museo : un outil pour accompagner les visiteurs dans l’exploration d’un musée dédié aux arts numériques et analyser leurs parcours

  • Gala : visualiser les données sur les artistes et dates de concert de LastFM

  • Urban Art side B : un projet artistique sur le détournement réciproque de l’art exposé en galerie et des situations quotidiennes

Les dix journées d’atelier étaient aussi ponctuées de conférences magistrales ainsi que de démonstrations ou de prises en main d’applications diverses. Dans cette dernière catégorie, deux genres de présentations ont ainsi animé le workshop : les présentations d’ordre purement graphiques sur les bonnes pratiques en matière de dataviz, et les présentations de projets. Bien que les conférenciers appartenaient à des univers très différents (universitaires, entrepreneurs, ou journalistes) les projets présentés dans ce second groupe avaient en commun de mettre en pratiques des approches citoyennes de l’open data.
Parmi les questions posées je citerai :

  • En quoi les données ouvertes permettent-elles de rendre les politiques publiques plus transparentes et d’obliger le personnel politique à rendre des comptes (Tipi Cuidadanos) ?
  • Comment la production de données ouvertes permet-elle un renouvellement de l’exercice du journalisme d’investigation (Propublica, Vizzuality) ?
  • Comment rendre accessible ou lisible – et donc représenter graphiquement – les masses de données d’ores et déjà à disposition du public (CartoDB, Quadrigram) ?
  • Comment améliorer l’accès des citoyens aux données publiques ainsi que l’organisation des services gouvernementaux en proposant des standards ouverts et open source (OpenReferral) ?


AU-DELÀ DE LA DATA VISUALISATION, PARLER DE DÉMOCRATIE CITOYENNE ET CITADINE

Les créateurs desdites applications, tout autant que les porteurs de projets ou les collaborateurs, avaient en commun de chercher, par le biais de la data visualisation, des moyens de rendre les données ouvertes plus accessibles, plus lisibles, et à terme de réfléchir à de nouveaux modes de participation et d’engagement citoyen.
Sans trop développer ici, j’ai pu constater que des problématiques assez profondes ont été touchées du doigt (de la souris ?) lors de ces dix jours d’atelier. On pourrait résumer ces grandes familles de problématiques ainsi :

  • Visualiser les données c’est d’abord tenter de répondre à une question d’ordre politique ;
  • Démocratie et open data : une mise en pratique nécessaire pour repenser le politique ;
  • L’open data citoyen c’est avant tout, accompagner, éduquer et sensibiliser ;
  • De la complexité d’explorer et de naviguer entre les couches de données ;
  • Homogénéiser les données et les standards, l’obstacle d’emblée
  • De l’art délicat de la synthèse et de la cartographie ;
  • Les profils pluridisciplinaires, un bien nécessaire pour développer des projets collaboratifs.

J’ai tenté de formaliser un peu plus longuement ces questionnements dans l’article « Dix jours pour visualiser les villes ouvertes », publié sur Makery.info.

LE PROJET « FABCITY DASHBOARD »


Ma participation au projet « Fabcity dashboard » m’a permis de commencer à poser les premières bases d’une réflexion globale sur les changements des modes de production, de distribution et de consommation des biens et services. Cette réflexion sur le rôle des labs dans l’économie (entendue au sens large) des villes a été initiée par le Fablab de Barcelone dans le cadre de leur projet Fabcity. Cette réflexion de prospective part de l’hypothèse que quelque chose se joue à travers le mouvement maker, quelque chose qui permettrait peut-être d’accompagner le développement des métropoles dans un environnement général appelé à changer drastiquement dans les décennies à venir : changement climatique, crises économiques, essor de l’économie digitale et de la connaissance, évolutions démographiques…

2visualizarMassimo Menichinelli et Mariana Quitero du projet « Fabcity dashboard »
Photo : Medialab Prado

C’est bien en amont de ces changements, mais aussi en amont de la réunion Fab14 qui réunira en France en 2018 un grand nombre d’animateurs et créateurs de fablabs à travers le monde, que nous avons cherché à la fois à :

  • Recenser les bases de données en ligne permettant de centraliser les informations sur les fablabs à l’échelle mondiale ;
  • Identifier un certain nombre d’indicateurs relatifs au développement économique et social des villes qui auraient trait au potentiel de ‘résilience urbaine ‘;
  • Avoir une réflexion critique sur ces indicateurs, en prévoyant dès le départ une participation dans le futur des acteurs intéressés (fabmanagers, mais aussi politiques, économistes, universitaires … ) dans la définition des indicateurs à employer ;
  • Penser aux modes de représentations de ces indicateurs, tout en gardant en tête que les utilisateurs peuvent avoir des profils très différents.


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Quelques fonctionnalités en cours de développement du projet « Fabcity dashboard ».
Photo : Julien Paris

 
POUR EN SAVOIR PLUS
L’article sur Visualizar 2016 pour Makery.info : « Dix jours pour visualiser les villes ouvertes à Madrid »
Le repo Github rassemblant la documentation des projets développés durant « Visualizar 2016 » : https://github.com/medialab-prado/visualizar16
Au cours de ces interventions plusieurs références pratiques ont été recommandées à l’usage des graphistes ou data-graphistes. On citera essentiellement « Quel graphique choisir ? » et le « data visualisation catalogue »
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